Le ressortissant des ombres. La pluie tombait dru sur la cité de Hamatsu, n’épargnant ni les toits peu étanches des chaumières des pauvres, ni les cœurs des voyageurs comme Soken. Il se tenait dans une rue déjà boueuse à l’origine et dont l’averse n’avait guère amélioré l’état. Ses sandales de bois étaient mal adaptées, ses pieds trempés, et son manteau ne suffisait plus à le garder de l’humidité froide typique des pluies printanières. Son caractère d’ordinaire sombre souffrait encore plus de l’averse, et bien que pour un esprit entraîné comme le sien, le froid n’était qu’une distraction momentanée, il ne trouvait pas agréable pour autant le fait d’être plus humide qu’un kami de l’eau. Mais il se ressaisit. Il n’était pas là pour profiter du temps ou encore visiter la ville. Il promena un regard sur la rue. Toutes les auberges étaient fermées en raison du mauvais temps, les auvents des restaurants de nouilles repliés. Il pesta une nouvelle fois : pas un seul endroit où s’abriter de la pluie.
Cette averse le fit penser un instant à ce fameux jour, ce jour maudit où il avait tout perdu, réputation, fortune, famille, identité…
Soken s’éveilla une nouvelle fois, tentant tant bien que mal d’empêcher ses pensées de vagabonder. Il n’était plus le jeune homme insouciant d’autre fois. Il ne pouvait plus proclamer appartenir à la prestigieuse lignée des Bayushi. Ce temps était révolu.
En relevant la tête, il remarqua une silhouette qui se découpait dans l’opacité de la bruine, à une dizaine de mètres de lui. Un homme de carrure discrète, portant un long manteau gris tombant jusqu’aux chevilles que la pluie n’avait pas non plus épargné. L’homme était coiffé d’un chapeau de paille. Il s’avançait avec l’agilité caractéristique des adeptes de la discrétion.
« Beau temps n’est-ce pas ? » dit l’homme d’une voix à moitié couverte par le bruit des gouttes. Soken esquissa un sourire discret devant l’absurdité du mot de passe dans la situation présente.
« Si je vous dis que c’est un temps de grenouille ?
_Alors je vous répondrai que les scorpions savent nager. »
_C’est vous mon contact ?
_En effet »
L’homme souleva son chapeau, laissant apparaître un visage émacié et grêlé. Un tatouage représentant une arabesque rouge entourait son œil droit, dans une imitation toutefois peu réaliste du tatouage de Bayushi Paneki.
« Ecoutez-moi bien car je ne répèterais pas, dit-il lentement. Rendez vous à la maison des Fleurs de Tissu. C’est une maison de geisha située dans le centre du quartier des plaisirs de la cité de Linzi. Une fois là-bas vous demanderez à parler avec Dame Maejin, à qui vous répéterez exactement ces mots : le Bayushi bafoué et un Shosuro vengeur. Cela devrait suffire à vous faire entrer chez-elle, elle est dans la confidence. De plus on m’a chargé de vous faire parvenir ce message : mes employeurs vous assurent que bientôt ils vous communiqueront des informations sur l’affaire du double meurtre de Meikan.
_Bien. Merci pour tout. Adieu
_Adieu et que la chance vous sourie Soken-san. »
Soken reprit son chemin, quand son oreille aux aguets perçut un léger sifflement. Il se je ta subitement à terre, plus par réflexe mécanique que par reflexion. Il entendit un cri provenant de derrière-lui. Il effectua un demi-tour en une fraction de seconde et se remit debout. Il courut voûté vers l’origine du cri et une dizaine de mètres plus loin, il aperçut le corps de son contact, trois flèches dans le dos. Un nouveau sifflement attira son attention, et se baissant instantanément, il vit un trait se planter là où se trouvait sa tête une seconde plus tôt. Sa main plongea rapidement dans sa poche à shuriken et il lança un projectile vers l’endroit où il avait cru décelé un mouvement. Un cri étouffé puis un gargouillis lui répondit qu’il avait bien trouvé sa cible. Il se cacha subrepticement dans les ombres. Ses agresseurs ne tarderaient pas à se manifester. Malgré sa tension, sa bouche s’étira en un rictus nerveux dû au plaisir du combat et de la traque. Une ombre se détacha de la bruine et s’approcha de l’endroit où il était tapi. En étouffant le glissement de la lame contre le fourreau d’une main, il dégaina lentement son court wakisachi de l’autre. Sa formation de ninja lui permit de masquer sa respiration et d’étouffer les battements de son cœur en un instant. Sa proie se rapprochait inexorablement, et Soken distinguait l’arme de son assaillant.
Un arc… Soken sourit. Très imprudent de la part d’un guerrier de s’approcher d’une cible représentant une menace au corps à corps en ayant gardé son arc à la main. En un éclair, Soken bondit et trancha d’un moulinet la corde de l’arc. Son enemi, un jeune homme blond, surpris de la rapidité de ses mouvements n’eut même pas le temps de penser à dégainer sa dague avant qu’un coup de pied rotatif de Soken le fauche. Le ninja termina en pressant la carotide de l’archer ce qui le fit perdre connaissance.
Soken s’assura qu’il était bien hors de combat avant de le priver des ses autres armes – des dagues – avant de le hisser sur son épaule. Il disparut dans la grisaille de l’averse, portant son prisonnier inerte sur son dos…
To be continued…
P.S : lol, hésitez pas à poster vos coms, c’est la première fois que j’écris et que c’est quelqu’un autre qu’un prof de français qui me lit…
Soyez pas trop sévères...